ESPRIT VINTAGE

90 ans, et pas une ride !

On dit que l’histoire du tailleur AAllard commence en 1926, mais Armand, avant d’ouvrir son atelier, a appris son métier chez son oncle Antoine Allard, dont l’atelier était dans une maison qui n’existe plus et qui aurait été située au milieu de la place de l’église.

Quand le Savoir-faire d’un maître-tailleur rencontre une légende du ski Français

Créé en 1930 par Armand Allard à la demande d’Émile Allais, le fuseau AAllard a révolutionné les sports de neige tout en s’imposant comme un accessoire de mode international.
Inutile d’en chercher ailleurs, le vrai, le seul, l’authentique fuseau s’achète place de l’église, chez AAllard à Megève. Et ce n’est pas prêt de changer…

À son amour de Megève, Armand Allard ajoute son amitié pour Émile Allais. L’une et l’autre sont indéfectibles. Les liens entre le tailleur de génie et le champion de ski se sont noués en 1930, et de la rencontre d’un soir sont nés deux destins hors du commun. Émile voulait un pantalon plus adapté à la pratique de son sport favori que les traditionnels knickers de golf, inutilement bouffants, peu aérodynamiques, très perméables, et auxquels s’accrochaient la neige. Il s’en ouvrit à Armand qui, d’un crayon bondissant et d’une paire de ciseaux magique, répondit à son souhait au cours de la nuit même. Diverses coupes et matières furent ensuite testées sur les pistes, jusqu’à parvenir au bon choix technique. Déjà la recherche de la perfection…

Le skieur français Emile Allais en action, 1937.

Champion du monde !

Sans le savoir, la maison AAllard venait de changer de dimension. Le premier médaillé olympique français de ski alpin raconte (Allais, la légende d’Émile) :
« Le pantalon en question était près du corps, très étroit du bas, et surtout, Allard avait eu l’idée géniale de le coincer dans la chaussure en le maintenant à l’aide d’un élastique passé sous le pied. » Ainsi habillé, Émile Allais remporte les trois épreuves des championnats du monde de ski alpin de Chamonix en 1937 (descente, slalom, combiné). La consécration est immédiate et le pantalon de Tintin jeté aux oubliettes !

Emile Allais, triple champion du monde, porté en triomphe sur le place de l’Eglise
à Megève, à son retour de Chamonix en 1937.
Yvette Lebon, un des plus beaux regards du cinéma français,
une amie fidèle de la maison AAllard.

Armand Allard habille le Tout-Sport avant de rapidement séduire le Tout-Megève puis le Tout-Paris. Très vite, les écoles de ski françaises et européennes réclament le nouveau modèle. Sur les tremplins de saut à ski, on le plébiscite. Il y trouve son patronyme originel de « pantalon sauteur ». Ce n’est que plus tard qu’on l’appellera « fuseau », en référence à sa forme allongée, très aérodynamique. « À l’époque, les tissus ne sont pas extensibles, et le premier fuseau est taillé dans le drap de Bonneval, le fameux tissu en laine des guides de montagne et des explorateurs polaires qui assure chaleur et imperméabilité », commente le petit-fils d’Armand, Antoine Allard, qui veille aujourd’hui sur l’entreprise emblématique de Megève. En 1938, le fuseau s’affine encore aux chevilles et prend des couleurs, grâce à l’emploi de nouvelles matières comme la gabardine et la tricotine.

Publicité Allard, vers 1938. Pour vanter son fuseau, la maison Allard fait appel
à Gaston Corde (1908-1995), l’un des plus grands affichistes des Alpes.

La grande bourrasque, c’est pour l’après-guerre, avec l’apparition des tissus élastiques, moitié laine, moitié nylon. Ils offrent au fuseau une aisance exceptionnelle. Très confortable, le vêtement suit désormais chaque mouvement du corps, « tendu, mais jamais moulant », précise Antoine et d’ajouter avec un léger sourire « 90 ans, et pas une ride ».

3 dessins en haut : Illustrations humoristiques offertes à Armand Allard
par un de ses amis dessinateur.

Bande dessinée de Pellos, illustre collaborateur de publications sportives hebdomadaires destinées à la jeunesse dans les années soixante.

Le prototype est testé et applaudi par les moniteurs de ski de Megève, professionnels de la neige par excellence. Et chez AAllard, ce sont désormais plus de trente culottières qui s’affairent pour honorer les commandes. Chaque pièce est confectionnée sur mesure. L’entreprise aux deux A le produit chaque saison par centaines.

Du tremplin au podium

Nouveau tournant dans les années 1970 : apanage, depuis sa création, des skieurs professionnels et amateurs, le fuseau glisse soudain des pistes de ski aux podiums des grands couturiers, dont il anime les défilés. C’est la consécration d’un vêtement, d’une griffe et d’une station. Le signe, aussi, d’une évolution profonde de la société. Jusqu’alors la mode partait de la ville vers la montagne. Avec le fuseau, dont le succès va de pair avec le développement des villages de ski, c’est l’inverse qui se produit.

Au cours de la décennie suivante, cette création unique se décline en prêt-à-porter dans des matières modernes, et avec un même chic, il se porte à la montagne comme à la ville.

2012 le met à l’honneur dans son village d’origine, avec l’inauguration d’une plaque commémorative sur la place de l’église, soulignant le talent de Armand Allard. Elle est le symbole de l’authenticité et de la modernité. « Une partie du secret du fuseau AAllard tient à sa coupe, qui épouse le corps sans le coller. C’est qu’il bénéficie d’un ajustement réalisé grâce à des mises aux mesures individuelles. Ainsi conserve-t-il son exclusivité, à l’écart des réseaux de grande distribution. » précise Antoine Allard qui a d’ailleurs créé une série collector du fuseau pour le 90ème anniversaire.

De quoi lui conserver, encore et encore, sa première place dans le cœur de tous les amoureux du beau et de l’unique.    


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